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Marseille : une ville à part pour la sécurité ?

Marseille est-elle une ville à part, plus violente ?

Non, pas vraiment. Et contrairement à un préjugé courant, ce n’est pas parce que les gens parlent fort qu’ils se frappent plus volontiers ! A Marseille, il y a certes un haut niveau de délinquance parce que certains facteurs sont plus marqués qu’ailleurs, en particulier la précarité. Du coup, la petite et moyenne délinquance, vols et cambriolages, est forte. Mais cela reste comparable à la région parisienne, et même inférieur à la Seine-Saint-Denis. Quant au banditisme ou aux règlements de comptes, c’est très fort à Marseille mais ce n’est pas non plus une spécificité marseillaise.

Cependant, Marseille a une particularité : la banlieue est dans sa ville, notamment les quartiers pauvres au Nord. Pour comparer équitablement Marseille à Paris, il faudrait ajouter sa banlieue et notamment la Seine Saint-Denis.

Qu’est-ce qui explique ce niveau de délinquance et de criminalité, notamment de banditisme ?

Le phénomène du banditisme n’est pas spécifique à Marseille. Il y a un milieu criminel à Paris, Toulouse, Lyon voire Grenoble mais c’est plus fort qu’ailleurs. Plusieurs raisons expliquent cette situation. Marseille est à la fois une grande ville et un port, donc un carrefour de circulation des hommes et des biens, avec des trafics légaux ou illégaux. C’est aussi une ville dont un quart de la population vit en ZUS (zone urbaine sensible) et dont le taux de chômage est 1,5 fois plus haut que la moyenne nationale. De plus, on y constate un haut niveau d’inégalité économique : la grande pauvreté côtoie la grande richesse.

On peut également noter une implantation ancienne, voire historique du grand banditisme, liée au banditisme italien et corse. Pour la période récente, n’oublions pas que dans les années 1960 et 1970, Marseille était le haut lieu de la French Connection, un trafic d’héroïne à l’échelle internationale.

De quoi vit le banditisme à Marseille ?

Il y a un banditisme classique (casino, machine à sous, prostitution) et un banditisme nouveau lié au trafic de cannabis. Ce n’est pas le même, le second est à la fois plus répandu et plus amateur. S’il y avait une mafia, les choses seraient organisées et calmes. Mais il y a au contraire une multitude de petits réseaux concurrents, où les choses se règlent par les armes. Le trafic de cannabis, c’est une économie de survie et, tout en bas de l’échelle, c’est une économie de la misère. C’est lui qui fait survivre une partie des quartiers pauvres.

 

Carte des règlements de comptes à Marseille

Répartition des derniers « règlements de compte » par La Provence

 

On peut parler même de « smicards du business ». Le banditisme recrute donc facilement de la main-d’oeuvre parce qu’il y a de la jeunesse en déshérence. On doit se poser des questions relatives à l’échec scolaire et au chômage. Ces deux exclusions jettent à la rue des jeunes sans perspective dans un endroit où il y a un véritable « imaginaire du bandit ». Du coup, certains jeunes exclus préfèrent le rôle de « bandit » à celui de « clochard ».

Peut-on dire que le travail de la police est inefficace ?

Oui, il y a une relative inefficacité du travail de police en matière de trafic. On peut toujours démanteler les petits réseaux mais il faut remonter plus haut. Là, on se heurte au problème politique. Dès qu’il y a un meurtre à Marseille, le politique cherche la solution immédiate. On va stationner une compagnie de CRS pour « voir du bleu » dans la rue. Ca ne sert à rien. C’est de la lutte contre le sentiment d’insécurité, pas de la lutte contre la criminalité.

La solution ne dépend pas de la police en tenue. Travailler sur les filières de trafic, c’est le rôle de la police judiciaire, qui agit dans le secret et dans la moyenne durée. Si le politique continue à demander des résultats pour demain matin, les policiers ne pourront jamais rien faire de bon. Cela demande des mois de travail pour retourner des personnes, avoir des témoignages, intercepter des appels, monter des dossiers.

On a besoin de renfort de police judiciaire, ce qui ne permet pas de faire du chiffre, qui ne se voit pas, et ne propose pas de résultat dans l’immédiat.

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